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les plus riches, cultivant chacune plus de deux lots, la plupart trois ou quatre, quelques-unes cinq ou même cinq et demi, et naturellement taxées chacune à une part d’impôt correspondante[1].

D’un pareil tableau il ressort que, dans la commune d’Arachine, les familles sans âme, faibles ou à un seul ouvrier, dont le nombre montait ensemble à 57, soit presqu’aux deux tiers du total, ne détenaient pas la moitié des terres du mir, tandis que les trente familles les plus aisées, qui, réunies, ne formaient guère qu’un tiers de la totalité, détenaient ensemble plus de la moitié des lots (112 contre 100) et payaient à elles seules plus que toutes les autres additionnées, (1, 377 roubles 60 kopeks contre 1, 230 roubles sur un total de 2, 607 roubles 60 kopeks).

Une conséquence assez inattendue de ce mode de distribution, c’est qu’avec ces procédés en apparence tout communistes, ce qui constitue un titre à la terre, c’est moins la force personnelle du travailleur que les ressources dont il dispose. Dans un mir, comme celui d’Arachine, on pourrait presque dire que c’est le capital, qui donne droit au sol. La terre est attribuée de préférence à ceux qui ont le plus de moyens d’en tirer parti. On considère, dans la répartition, moins les besoins de la consommation que les moyens de production.

  1. Ailleurs, les terres et les impôts, au lieu d’être partagés en fractions correspondant au nombre d’âmes, sont divisés par le nombre de tiaglos ou d’unités de travail, sans tenir compte du chiffre des âmes de revision. Le système, adopté à Arachine, revient du reste à la distribution par tiaglo, puisqu’on fait la répartition ne s’y fait point par âme, mais par unité de travail. Un des plus éminents écrivains de l’école slavophile, Iouri Samarine, a jadis cherché, à ce mode de partage, une formule mathématique : « C’est par unité de travail, dit-il, que se définit le rapport des familles à la communauté, que se fait la transposition des cours (dvor) ou maisons en tiaglos, — Chaque maison, transposée en tiaglos, peut être regardée comme une fraction dont le dénominateur exprime la somme d’unités comprises dans la commune, et le numérateur la quantité de ces unités revenant à la maison, tandis que le mir représente l’entier. » (Samarine : O posemelnoi obchtchinnom vladènii (Rousskaia Besieda, 1857.) La même formule peut s’appliquer au système suivi par le mir d’Arachine.