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baux que les paysans à reculer leurs partages. S’il faut une loi pour régler l’époque des derniers, pourquoi n’en faudrait-il pas pour régler la durée des premiers[1] ? »

Le ministère des domaines avait naguère, dit-on, fait mettre à l’étude la question de fixer un terme minimum pour la jouissance des terres arables, mais les mesures officielles sont déjà prévenues et seront peut-être rendues inutiles par les décisions spontanées des communes rurales. Le cours naturel des choses apporte ainsi un remède à l’un des principaux inconvénients de la tenure collective. En retardant les partages, le paysan retrouve le précieux aiguillon de l’intérêt individuel, et la terre, le profit des longues jouissances et de la sécurité du travail. Le bénéfice de cette réforme est déjà sensible. Dans les gouvernements de Toula et de Koursk, par exemple, la fumure et le rendement des terres ont augmenté avec l’allongement des périodes de jouissance. Aussi a-t-on remarqué que les communes les plus riches sont celles qui recourent le moins volontiers à un remaniement de leurs terres. L’abrogation des partages fréquents a un autre avantage : elle retarde et limite les partages de famille. Les jeunes gens ou les jeunes ménages peuvent être obligés de demeurer au foyer paternel ou d’aller vivre au dehors en ouvriers salariés, jusqu’à ce qu’une nouvelle répartition leur donne accès à un lot du champ communal.


Le mode d’allotissement n’a pas moins d’importance, et aujourd’hui pas moins d’inconvénients, que l’époque même des partages. Là aussi le dommage est d’autant plus grand qu’on reste plus fidèle à l’esprit communiste et aux pra-

  1. L’esprit russe est trop bon logicien, et le goût national trop porté vers l’intervention administrative, pour s’arrêter toujours devant une pareille objection. Parmi les défenseurs mêmes du mir, il s’en est rencontré, et non des moins éclairés, tels que le prince Vasiltchikof, pour réclamer de l’État, au nom de l’agriculture, des lois réglementant à la fois les époques de partage des terres communales et la durée des fermages des propriétés individuelles. (Vasiltchikof, Zemlévladénié i semlédélié, t. II, p. 679-688, 772-774.)