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partie désertes il y a un siècle ou deux, comptent parmi lea plus peuplées. La population la plus dense se pressa encore autour des deux centres historiques de la vieille Russie, Kief et Moscou ; mais l’ancienneté de la population n’est plus la principale raison de sa densité. À Kief, c’est le sol et le climat ; à Moscou, c’est la position centrale et l’industrie qui retiennent et attirent les hommes, tandis que la reine déchue du Nord, Novgorod Ja Grande, ne garde autour de son vide Kremlin que de rares habitants, aussi pauvres que les ressources de ses campagnes.

À conditions physiques égales, la population d’un pays peut être d’autant plus élevée que plus haute est sa civilisation. Chaque passage d’un degré de culture à un autre, de la vie de chasseur à celle de pasteur, de la vie pastorale et nomade à la vie agricole et sédentaire, de l’état purement agricole à l’état industriel et commercial, — chaque progrès même d’un mode d’exploitation de la terre à un plus productif, de l’agriculture instable comme celle des steppes à l’assolement triennal, de la culture extensive à l’intensive, — élargit le champ de la population. En Russie, où, dans les limites mêmes de l’Europe, se retrouvent tous les modes d’existence depuis la vie de chasseur et la vie nomade, les seules régions susceptibles d’un accroissement considérable de population sont celles qui peuvent passer d’un degré de culture à l’autre. Ce passage, la nature l’interdit à plusieurs : l’extrême Nord est voué à la chasse et à la pêche, les steppes ouralo-caspiennes sont condamnées à la vie pastorale.

L’industrie ne faisant guère qu’éclore en Russie, c’est de la vie agricole qu’il faut attendre presque tout le développement prochain de la population de l’empire. Or l’agriculture est plus que l’industrie dans la dépendance immédiate des conditions physiques ; aussi l’accroissement de la population russe est-il presque complètement sous l’empire du climat, du degré d’humidité, de la situation géographique, et par-dessus tout de la fertilité du sol.