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a trop souvent restreints, sont presque toujours exploités en commun, chaque famille y envoyant ses animaux, d’ordinaire marqués de sa marque et conduits par un p&tre communal. Les champs sont partagés à intervalles plus ou moins réguliers, entre les membres de la commune, pour être cultivés par chacun séparément, à ses risques et périls. La jouissance individuelle est ainsi universellement associée à la propriété collective. Dans ce mir en apparence tout communiste, le premier ressort de l’activité reste l’intérêt personnel. Contrairement à un préjugé fort répandu à l’étranger, le paysan répugne à tout travail en commun ; depuis qu’il est libre, il prétend presque toujours travailler à son compte.

Le régime du mir[1] est fondé sur une répartition périodique du sol. Il y a trois points à considérer dans ces partages : d’abord, les titres qui donnent droit à un lot ; ensuite les époques de division du territoire commun ; enfin, le mode même de parcellement ou d’allotissement. Sur ces trois points, sur les deux premiers surtout se rencontrent de grandes différences, de nombreuses variantes, selon les régions et les coutumes.

Pour ce qui regarde les ayants droit, ou l’unité de partage, les communautés russes offrent deux types principaux : tantôt le partage se fait par âme (doucha), c’est-à-dire par tête d’habitant mâle ou encore par âme de révision ; tantôt il se fait par famille ou mieux par ménage, par tiaglo[2], et cela le plus souvent en tenant compte de la capa-

  1. Le nom de mir, sur le sens duquel nous reviendrons (t. II, livre I, ch. i), est le seul usité chez les paysans : les termes d' ohchtchina ou d' obchichestvo commune ou communauté, employés par les savants russes par analogie avec la gemeinde ou la communitas de l’Occident, sont étrangers à la langue populaire.
  2. Le mot tiaglo signifie une charge, une redevance ou contribution, et par suite les gens mêmes qui doivent cette redevance. Au temps du servage, on désignait, sous ce terme, l’unité de travail à fournir au seigneur par famille, par ménage, soit un homme et une femme avec un cheval. Aujourd’hui, on entend le plus souvent par tiaglo tout couple marié ; mais le sens de cette expression change singulièrement suivant les localités. Aussi les partages, faits sur ce type, prêtent-ils à beaucoup de variantes.