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l’existcnce de ces vastes communautés, étrangères aux partages périodiques, tenait avant tout à l’abondance du sol et à la rareté des bras qui en pouvaient recueillir les produits. Avec les progrès de la population, il a fallu définir plus strictement les droits de chacun, limiter les terres assignées à chaque village et les distribuer régulièrement entre les habitants. Dans les contrées les plus récemment colonisées, on se rappelle souvent encore l’époque où la jouissance du sol était moins étroitement bornée. Chez les Cosaques du Don, comme chez ceux de l’Oural, le temps, nous l’avons dit[1], n’est pas bien loin où chaque Cosaque était maître d’occuper les terres vacantes de la steppe. Dans le gouvernement de Samara, sur la rive orientale du Volga, les vieillards n’ont pas oublié l’époque où il était permis à chacun de couper autant de foin qu’un faucheur en pouvait emporter dans une charretée[2].

Des usages analogues persistent encore aujourd’hui dans certaines des ingrates contrées du nord, dont le rude climat et le maigre sol attirent peu les colons. Cela se voit surtout en Sibérie, où souvent les prairies sont seules soumises à un partage, tandis que, pour les terres labourables, les habitants du village en exploitent chacun, autant qu’il en peut cultiver. Dans la région située au nord du Ladoga et de l’Onega, dans les froides solitudes du gouvernement d’Olonets, la proportion de la jouissance individuelle dépend uniquement du travail effectif des individus ou des familles. Chaque paysan est libre de cultiver autant de terre que le lui permet la force ou le nombre des bras dont il dispose ; il doit seulement indiquer par un sigue, d’ordinaire par une marque sur des arbres, remplacement choisi par lui[3]. Ce mode de jouissance s’allie habituellement, dans la province d’Olonets, au système des vastes communautés

  1. Voyez plus haut, même livre, chap. i, p. 484.
  2. Zapiski Roussk. Géograph. Obchichesiva (po otdèl. ethnogr.), t. VIII, 1878, p. 43.
  3. Sokolovski : Otcherk istoriia selskoï obchtchini na sévéré Rossii.