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bois coûte relativement peu de chose ; tout Russe est charpentier, chaque paysan sait en quelques semaines s’élever une demeure. Aussi, depuis l’émancipation, le nombre des izbas a-t-il considérablement augmenté, en revanche elles sont fréquemment moins grandes et plus pauvres. L’accroissement des cours (dvor) ou des ménages isolés est évalué à 25 on 30 pour 100 au moins[1]. Ce fractionnement des familles, qui n’est qu’une conséquence indirecte de l’affranchissement, semble être une des principales causes du peu de résultats apparents de la liberté des paysans, du peu de progrès de la culture et du bien-être dans nombre de provinces. Ces partages, aujourd’hui fréquents, ont deux sortes d’inconvénients, presque également graves pour l’agriculture et la prospérité du peuple. Le premier est, en séparant les parcelles, attribuées par la commune aux membres de la même famille, d’amener un morcellement excessif du sol ; le second est, en divisant à l’infini le capital d’exploitation, le bétail et le matériel agricole, de mettre les paysans hors d’état de tirer de la terre ce qu’ils pourraient lui faire rendre[2]. Si le mir fournit le sol, il n’avance point en effet les moyens de le mettre en valeur. De cette façon, les inconvénients, inhérents au régime de la communauté et au partage des terres communales, sont encore aggravés par les partages de famille. Les paysans avouent eux-mêmes que cette nouvelle mode de partages est d’ordinaire nuisible, mais la plupart cèdent à la mode. La décadence des mœurs patriarcales peut ainsi retarder indirectement les progrès du bien-être des paysans et même de la production nationale. Chez ces paysans propriétaires, appauvris par des partages successifs, un grand nombre de ménages sont presque absolument dénués de bétail et

  1. Dans certains gouvernements, tels que celui de Tver, le nombre des cours on des izbas aurait presque doublé en dix ans (Materialy dlia izoutchénia sovremennago pologeniia semiévladéniia, etc. 1e fasc, Pét., 1880).
  2. On peut trouver d’intéressants calculs à ce sujet dans un livre russe imprimé à Stuttgard, Molodaïa Rossia, 1874, p. 65-66.