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enfants non mariés. La femme n’a réellement de titre ni sur l’avoir de la famille de son père, ni sur l’avoir de la famille de son mari. En revanche, on lui permet, ce qui est interdit aux hommes, d’avoir son bien propre en dehors de la fortune commune, de travailler parfois à son propre compte, de se faire, à l’aide de quelques économies sur le lin ou la laine, destinés à l’habillement de son mari ou de ses enfants, une sorte de pécule que, dans certaines provinces, on appelle sa cassette ou corbeille (korobiia). Cette cassette dont les femmes seules ont la clef, les jeunes filles l’emportent avec elles en se mariant, elle leur sert de dot[1]. La korobiia d’une femme morte sans enfants revient d’ordinaire à sa famille d’origine, non point à son père ou à la communauté, mais à la mère de la défunte et, à défaut de mère, à ses sœurs non mariées. Il y a ainsi une sorte de succession en ligne féminine des femmes entre elles. Le pécule comme les vêtements de la mère passent d’ordinaire aux filles non mariées ; et, si parfois, dans les partages de famille, la coutume reconnaît aux filles un droit sur une portion du mobilier, voire même sur une partie des animaux, des vaches ou des brebis, c’est probablement que ces objets sont regardés comme étant du domaine et de la propriété du sexe.

Quand on parle des partages de famille, il faut, selon la remarque d’un savant russe[2], distinguer entre les partages

  1. Là où la jeune fille est autorisée par la coutume à se faire une cassette ou korobiia, indirectement prélevée sur la communauté, il est généralement d’usage que le fiancé, qui doit profiter de cette korobiia, apporte en dédommagement à la famille de sa femme une certaine somme, payée en argent ou en nature et appelée, dans le gouvernement de Samara, du nom de kladka. Cette habitude ne doit pas être confondue avec le kalym ou achat de la fiancée, tel qu’il se pratique encore en Russie, chez certains allogènes finnois ou tatars. La kladka, appelée ailleurs argent de table (denghi na stol), est habituellement destinée aux frais de noce, qui chez les paysans, sont considérables, variant par exemple de 20 à 80 roubles et plus. Voyez, entre autres, pour les détails de ces curieuses coutumes, l’étude de M. Matvéief (Zapiski Imp. Roussk. Géogr. Obchtdiesiva : sect. ethnogr., t. VIII, 1878, 1e part.)
  2. M. Matvéief, ibidem, p. 28-31.