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d’après l’ordre de succession patriarcale, remplacé par un des membres les plus âgés, par le frère ou le fils aîné, selon les usages locaux. Quelquefois, c’était la veuve qui prenait la direction de la maison ; d’autres fois, comme dans le mir, comme dans la zadrouga serbe, l’ancien était choisi par les membres de la famille et, au lieu de l’aîné, c’était le plus capable, le plus considéré[1]. Le père ou chef de maison avait pleine autorité pour l’administration des biens de la communauté, et sa femme pour la direction des travaux de l’intérieur. Dans les grandes familles, composées de plusieurs ménages, l’ancien prenait cependant, pour les affaires les plus importantes, l’avis de ses parents ou associés. Le domokhoziaïne était de droit le représentant de la famille dans toutes les affaires privées ou publiques ; en se réunissant à ses pareils il formait l’assemblée de la commune, car là encore, c’était moins l’individu qui siégeait que la famille dans son représentant.

Au temps du servage, la famille rurale aimait à rester agglomérée[2]. Les partages étaient redoutés, ils n’avaient lieu que lorsque la maison, ou mieux, lorsque la cour ou l’enclos (dvor) devenait trop étroit pour le nombre des habitants. Cette nécessité était regardée comme un mal, et la

  1. Il en était ainsi dans une famille du gouvernement de Koursk, dont M. Samokvasof nous a donné la monographie (Mém, de la Soc. imp, de Géogr., po otdèl. etnogr., 1878, 3e partie, p. 11 et 15). Cette famille ou mieux cette communauté de famille, connue sous le nom de Sofronitch, comprenait, en 1872, 42 personnes, toutes, au moins les hommes, descendant d’un ancêtre commun, mort environ soixante ans plus tôt, et dont les fils, morts à leur tour, puis les petits-fils ou arrière petits-fils s’étaient entendus pour vivre ensemble et cultiver en commun, sous la direction de l’un d’entre eux. En 1872 cette famille comptait huit couples mariés, deux veuves et plus de vingt jeunes gens ou enfants des deux sexes : tous les membres habitaient la même cour ou dvor, composée de quatre izbas. Vers 1876, des malheurs domestiques et en particulier la folie, puis la mort d’un chef qui les avait administrés durant quarante ans, décidèrent les Sofronitch à se séparer en quatre groupes dont chacun formait encore une petite communauté de famille.
  2. Comme dans la zadrouga serbe, la maison, le bétail, les instruments de culture, le mobilier, les récoltes appartenaient à la communauté ; il n’y avait guère d’appropriation individuelle que pour les objets d’usage personnel, tels que les vêtements ou les bijoux. Cf. Bogisitch, Code civil du Montenegro.