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villageoises, on a vu des paysans, depuis l’émancipation qui les a pourvus de terre, s’entendre pour renverser les bornes de leurs champs et distribuer le sol à nouveau entre les différentes familles. Quelques villages mêmes de ces provinces auraient depuis lors recours au partage annuel. Ce fait, parfois cité en faveur de la propriété collective[1], semble s’expliquer de deux façons. Le mode de rachat, adopté pour les terres allouées au moujik, se prêtait si bien au régime des communautés de village que, gr&ce à la solidarité des redevances, le rachat a parfois introduit la communauté, si ce n’est les partages périodiques, dans des contrées où depuis longtemps ils n’étaient plus usités[2]. Le poids des impôts, qui souvent absorbent le meilleur du revenu des terres, a pu contribuer au même résultat, comme pour justifier, par des exemples contemporains, la théorie de M. Tchitchérine sur rétablissement des partages périodiques dans l’ancienne Moscovie. Enfin, d’après certaines dépositions de l’enquête agricole, l’indécision des idées du moujik, quant au droit de propriété, la confusion de ses notions juridiques à cet égard, le peu de confiance du paysan en son titre de propriétaire auraient, dans plusieurs localités, été l’une des principales causes du partage. À en croire un des maréchaux de la noblesse locale, les paysans de Volhynie n’auraient pas assez de foi dans leur droit permanent de propriété pour oser résister aux injonctions de la commune, lorsqu’il plaît à la majorité des habitants de se soumettre à une nouvelle répartition du sol[3]. Selon cette curieuse déposition, les paysans aisés auraient besoin qu’on les éclairât quant à la

  1. Vasiltchikof : Zemlévladénié i zemlédélié, t. II, p. 717, 748, 749.
  2. Iouri Samarine, grand admirateur de la commune véliko-russe, se plaisait à le noter dès 1861. « En Petite Russie, écrivait-il à son ami N. Milutine, ce qui est très remarquable, c’est que tous les rachats se font par communes entières avec reaponsabilité solidaire (za krougovoiou poroukoiou) et non par associations ou par dvor, par maison isolée. » (Lettre du 17 août 1861.
  3. Commission d’enquête agricole, t. II. — Vasiltchikof, t. II, p. 717, 748.