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occidentale, jadis soumise à la domination de la Pologne ou de la Suède, et par là en plus étroite relation avec l’Europe, prédomine au contraire la propriété individuelle. À cet égard, on pourrait presque dire que les limites des deux modes de tenure marquent encore les anciennes frontières de l’État moscovite et de l’État lithuano-polonais[1]. Dans quelques gouvernements, tels que Kief et Poltava, il y a mélange des deux formes ; dans un ou deux, les Russes ont, sans beaucoup de succès, tenté d’acclimater la communauté. C’est ce qui s’est fait, par exemple, dans le gouvernement de Moghilef. Le système collectif et solidaire de la commune grande-russienne y a été introduit après l’émancipation et l’insurrection polonaise de 1863 ; mais, si l’on en croit certaines dépositions de l’enquête agricole, les paysans n’effectuent réellement pas le partage des terres et regardent ce régime comme une autre sorte de servage. Dans la province voisine de Minsk, rien n’a pu les décider à substituer, à notre mode occidental d’occupation du sol, le mode grand-russien. Les Petits-Russes passent, comme les Biélo-Russes, pour répugner à la communauté. Il n’en est pas cependant toujours ainsi : sur la rive orientale du Dniepr, dans le gouvernement de Voronège, par exemple, on rencontre des Petits-Russiens non moins habitués et non moins attachés au régime de la communauté que leurs voisins grands-russiens.

Ailleurs, en Podolie et en Volhynie, où la tenure individuelle et héréditaire semblait enracinée dans les mœurs

  1. Dans la Lithuanie proprement dite, c’est-à-dire dans les gouvernements de Kovno et de Vilna, de même que dans les trois provinces baltiques, on ne connaît que la propriété individuelle. Cette dernière a même été introduite dans quelques communes du gouvernement de Pskof, par les colons esthoniens ou lettons de la Livonie. En Russie-Blanche et en Petite-Russie, la propriété individuelle l’emporte encore, bien que son règne ne soit plus aussi exclusif. En Bessarabie, où les Russes se mêlent aux Roumains, les deux systèmes coexistent. Il est à noter que plusieurs des colonies allemandes les plus florissantes, celles du Bas-Volga en particulier, ont adopté l’usage russe des partages périodiques.