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tel ou tel de ces savants se soit laissé entraîner trop loin par des analogies extérieures ou par l’esprit de système ; peu importe que pour les peuples classiques, pour les Spartiates notamment, nos historiens aient longtemps été dupes de mensongères légendes ou de romans communistes. La propriété collective de la terre semble, chez un grand nombre de peuples au moins, la forme la plus ancienne de l’occupation du sol par l’homme. Ce n’est qu’après être restée pendant des siècles le domaine indivis de la tribu, du clan ou de la commune, que la terre aurait fini par devenir la propriété permanente et héréditaire des individus. Au rebours des conceptions de certains démocrates de la Russie ou de l’Occident, la propriété individuelle est relativement le mode nouveau, moderne de la tenure du sol ; la propriété collective, le mode ancien, primitir, archaïque. Au lieu d’être une innovation, d’être un présage ou une ébauche de l’avenir, le régime russe des communautés de village est un débris d’un monde ailleurs disparu, un témoin d’un passé évanoui, une sorte de fossile, conservé au fond d’un pays longtemps soustrait à l’action des causes qui modifiaient le reste du continent. À cet égard, comme à plusieurs autres, l’originalité de la Russie et des Slaves ne tient ni à la race, ni aux aptitudes du génie national ; elle tient surtout à ce que les Russes et la plupart des Slaves en sont demeurés à un état économique, et par suite à un état social, déjà ancien ou déjà oublié ailleurs. Entre eux et l’Occident, la différence, sous ce rapport, est moins dans l’homme et la race que dans les conditions extérieures de l’existence, elle est moins dans le caractère du peuple que dans l’âge de la civilisation.

Il serait d’un haut intérêt de pouvoir suivre à travers <ref follow=p479>vement, l’individu ne pouvait librement l’aliéner. (Voy. Fustel de Coulanges. Le problème des origines de la propriélé foncière (Revue des Questiona historiques, avril 1889). Cf. du même auteur : Recherches sur quelques problêmes d’histoire (1886) et Hist. des Institut. politiques de l’ancienne France : l’Alleu et le Domaine rural pendant l’époque mérovingienne (1889).