Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour trouver une population aussi faible. Les bords septentrionaux de la Caspienne ne sont guère plus peuplés que les côtes glacées de la mer Blanche et n’offrent guère plus d’avenir.

Pour compléter ce tableau, il nous reste à indiquer une région de moindre étendue et d’acquisition récente, à laquelle un sol montagneux et un climat méridional donnent dans l’empire une place à part. C’est le Caucase et la côte Sud de Crimée, dont l’abrupt escarpement n’est que le prolongement de la chaîne caucasique. La nature, qui n’a marqué à la Russie de limite nulle part, ni vers l’Europe, ni vers l’Asie, semblait ne lui avoir opposé de vraie barrière que d’un côté, entre la Caspienne et la mer Noire. Quelle frontière mieux tracée que cette chaîne de 4 000 à 6 000 mètres de haut, dressée entre deux mers ? C’était comme des Pyrénées, près de deux fois plus élevées que celles qui nous séparent de l’Espagne. Et pourtant, cet obstacle qui paraissait lui devoir barrer la route, la Russie l’a franchi. La nature même, en lui opposant cette muraille, lui avait fourni les moyens de la tourner. Jeté à travers un isthme, d’une longueur à peu près égale à sa largeur, entre deux mers fermées, fatalement soumises à l’influence russe, le Caucase devait être débordé des deux côtés et aisément pris à revers par les armes des tsars. Ce rempart de l’Asie, la Russie le devait franchir pour atteindre le Midi, l’éternelle tentation des peuples du Nord.

Le Caucase et la côte méridionale de Crimée ne nous offrent pas une nouvelle région du sol russe, — la nature russe finit avec la plaine, — mais une contrée toute différente, aussi multiple et diversifiée que sont uniformes dans leur étendue les régions de la Russie proprement dite. Là, sur les flancs du Caucase, se retrouvent les forêts disparues depuis le centre de l’empire, non plus maigres, monotones et clairsemées comme dans le Nord, mais épaisses, vigoureuses et d’une puissance de végétation inconnue à