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région est un vrai désert qui n’offre à l’homme que de rares oasis. Occupant presque tout le cours inférieur du Volga, à partir de Tsaritsine, ces déserts de sel se mêlent ou se relient, sur les rives septentrionale et orientale de la Caspienne, à des déserts de sable ou de pierre, qui forment l’immense steppe des Kirghiz, et se prolongent en Asie jusqu’au cœur du Turkestan. Une partie de ces steppes salins sont au-dessous du niveau de la mer, comme la Caspienne elle-même, dont ils forment l’ancien bassin, et qui, rétrécie et abaissée, se trouve aujourd’hui de 26 ou 27 mètres au-dessous de la surface de la mer Noire[1]. Ce steppe ouralo-caspien est, de toute la Russie d’Europe, la partie la plus sèche, la plus dénuée de bois, la plus exposée à des saisons excessives. C’est une contrée décidément asiatique par le sol et le climat, par la flore et la faune, comme elle l’est encore par la race et le genre de vie des habitants. S’il y a, de ce côté, une limite naturelle entre l’Europe et l’Asie, ce n’est pas à l’Iaïk, au fleuve Oural, qu’il la faut chercher, c’est à l’extrémité occidentale de cette concavité caspienne, prolongement des déserts de l’Asie centrale ; c’est vers le point où le Don et le bas Volga se rapprochent le plus l’un de l’autre, sans que l’art ait encore pu les réunir, si nette est la délimitation physique des deux régions.

De l’autre côté de la mer d’Azof, la moitié septentrionale de la Crimée et les côtes adjacentes, entre l’isthme de Pérécop et l’embouchure du Dniepr, forment une petite région, qui n’est guère moins rebelle à l’agriculture, comme un autre morceau de l’Asie transporté au Nord de la mer Noire. Ici, sur les steppes salins dominent les sables

  1. Certains Russes ont rêvé de rendre un jour à la Caspienne son ancienne étendue, avec son ancien niveau, en y déversant les eaux de la mer Noire ou de l’Azof, au moyen d’une tranchée à travers l’isthme ponto-caspien. D’autres, moins ambitieux, se contenteraient d’un canal à écluses entre l’Azof et la Caspienne pour donner au Volga un débouché sur la Méditerranée, et, à l’Europe, une voie navigable vers l’Asie centrale. Ce dernier projet n’a rien de chimérique.