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gements ; dans ce cas seulement, le paysan ne pouvait compter sur l’assistance de l’État[1].

Les avances faites par le gouvernement aux affranchis lui doivent être remboursées en quarante-neuf années à raison de 6 pour 100, intérêt et amortissement compris. Les anticipations sont autorisées ; mais naturellement elles sont peu fréquentes. C’est ainsi en 49 années, autrement dit en un demi-siècle, qu’avec l’aide du gouvernement le paysan pourra être définitivement libéré, et l’immense opération définitivement close[2]. C’est ainsi, dans le cours du vingtième siècle seulement, que le paysan, affranchi des redevances temporaires envers son ancien seigneur ou envers rÉtat, sera devenu libre propriétaire du champ qui lui a été concédé et pourra sentir tous les bienfaits de l’émancipation.

L’affranchissement des serfs, grâce au rachat des terres, aboutit ainsi à une vaste opération de crédit qui, entreprise au lendemain de la guerre de Crimée, ne manquait pas de hardiesse. Le gouvernement russe ne pouvait verser en espèces aux propriétaires le montant de la dette qu’il se chargeait d’acquitter visa-vis d’eux, au nom du paysan. On créa, pour ces besoins, deux espèces de titres de rente garantis par l’État, les uns rapportant 5 pour 100, négociables à la Bourse, les autres rapportant 5 1/2 pour 100, nominatifs, assujettis, pour prévenir l’encombrement du marché, à de difficiles formalités de transfert, et successivement convertis par tirage en obligations au porteur, amortissables dans le délai de trente-sept ans[3]. Je ne puis entrer

  1. En fait, ces libres contrats ont été fort rares.
  2. Encore faut-il compter ces quarante-neuf ans, non à partir de la promulgation de l’acte d’émancipation, mais à partir du moment où les intéressés ont recours au rachat, or un certain nombre de paysans n’avaient pas encore procédé à ce rachat lors de l’avènement d’Alexandre III.
  3. Le lecteur remarquera que les titres, remis aux propriétaires, étaient amortissables en 37 ans, tandis que les annuités de rachat, soldées par les paysans et destinées à rembourser le gouvernement de ses avances, sont échelonnées sur 49 années. Si l’on n’a pas adopté le même délai pour les deux opérations connexes, c’est qu’on a cru devoir compter avec les retards des