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CHAPITRE III


Mode et conditions du rachat des terres. — Avances du trésor. — État actuel de l’opération. — Ralentissement dans les dernières années du règne d’Alexandre II. — Comment il existait encore, avec la corvée, une sorte de demi-servage qui n’a été supprimé que sous Alexandre III. — Pourquoi la propriété des affranchis leur est souvent onéreuse. — Inégalité de traitement des paysans suivant les diverses régions. — Le quart de lot gratuit. — Désappointement du paysan. Comment il concevait la liberté.


Une aussi vaste liquidation ne se pouvait accomplir en un jour. Il fallait éviter une transformation trop brusque, qui eût jeté le pays dans une crise des plus graves. Durant les deux années qui suivirent l’acte d’émancipation, tous les propriétaires et leurs tenanciers durent dresser entre eux une charte réglementaire (oustavnaïa gramota), indiquant les allocations de terres, concédées aux paysans par leurs maîtres, et la rente annuelle en argent ou en travail, consentie par les paysans au profit de leur ancien seigneur. Ces arrangements devaient autant que possible se conclure à l’amiable ; mais, comme l’antagonisme des intérêts et plus encore la défiance des paysans permettaient peu d’espérer une telle solution, la décision, en cas de conflit, fut remise à l’arbitrage de magistrats créés à cet effet et appelés arbitres de paix[1]. Dans les premières années, les hommes les plus indépendants et les plus remarquables, tels que le prince Tcherkasskî, G. Samarine et bien d’autres, s’étaient fait un devoir de remplir ces fastidieuses et délicates fonctions. Ces juges, élus par la noblesse, avaient pour mission d’approuver les contrats des deux parties, et,

  1. Mirovsyi posredniki ; ils ont été abolis vers 1875.