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ports établis par la coutume et la loi entre le maître et le paysan. On fut ainsi obligé de recourir à plusieurs règlements distincts. La Petite-Russie, la Lithuanie et les anciennes provinces polonaises eurent des règlements particuliers. La Grande-Russie avec la Nouvelle-Russie, trente-quatre gouvernements, formant plus des deux tiers du territoire russe en Europe, furent divisés en trois larges zones parallèles, selon la nature du sol ou la densité de la population : la zone du nord, comprenant les terres les plus pauvres ; la zone de la terre noire, comprenant les plus riches ; la zone des steppes, comprenant les moins peuplées. Chacune de ces grandes zones a été elle-même subdivisée en une dizaine de régions, et, dans chacune des vingt-neuf régions ainsi formées, on a fixé un maximum et un minimum des terres à concéder aux anciens serfs, le maximun étant le chiffre le plus élevé auquel pussent prétendre les paysans, le minimum, le chiffre le plus bas auquel ils pussent descendre. En prenant la moyenne de ces différentes régions, l’allocation réglementaire est de trois ou quatre dessiatines par tête de paysan mâle[1]. Elle monte jusqu’à sept dessiatines dans le nord, jusqu’au-dessus de dix dans les steppes du sud ; elle descend parfois à deux décisialines et au-dessous, dans les riches contrées de la terre noire, du thernoziom[2]. Une famille comptant

  1. La dessiatine vaut 1,09 hectare. L’État a fait une opération analogue pour les paysans de ses domaines, et, comme il leur a le plus souvent abandonné toutes ses terres de culture, ces paysans ont d’ordinaire été plus favorisés que les anciens serfs.
  2. Voici les évaluations d’un statisticien russe, M. Ianson, sur la répartition de la propriété avant et après l’émancipation (1876).
    Avant : Après :
    Biens de l’État… 64.6 p. 100.     45,6 pour 100.
    — de la noblesse. 30,6 22,6
    — des apanages. 3,3 1,8
    — des paysans et colons 1,7 30,0

    La noblesse, qui avant 1861 possédait, d’après le même savant, 105 millions de dessiatines, n’en conservait en 1876 que 63 millions et demi, tandis que les anciens serfs possédaient plus de 64 millions.