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Au milieu de la transrormation de la Russie, le tchine perd naturellement beaucoup de son importance ; le règne en est moins tyrannique, l’on prend parfois des libertés avec lui. Il est un ordre de réformes, difficile à concilier avec le tableau des rangs, et qui tôt ou tard en triomphera : ce sont les nouvelles institutions provinciales et les fonctions électives. Le système électif, fondé sur le libre choix des personnes, le système représentatif, fondé sur la désignation d’un représentant nommé par ses pairs, sont d’eux-mêmes en antagonisme avec toute hiérarchie bureaucratique. Le suffrage a déjà ouvert une brèche à travers le tchine ; le temps viendra où la vieille muraille ne pourra résister au bélier du vote et repousser l’assaut que lui donneront les libertés politiques. Déjà, pour les hommes mis à la tête des assemblées provinciales, il a fallu créer de vaines assimilalions de grades. Le développement des fonctions électives reléguera tôt ou tard le tableau des rangs dans les carrières spéciales. L’extension des libertés publiques rendra tour à tour, au souverain et au pays, la faculté de choisir les hommes d’État de l’empire en dehors de toute espèce de catégorie, et détruira le privilège du tchine ou du fonctionnarisme, qui s’est substitué au privilège de la naissance[1].



  1. Il a été question ; sous Alexandre II et sous Alexandre III, de la suppression du tchine et du tableau des rangs. Si cette mesure n’a pas encore été adoptée, cela tient sans doute à ce qu’on ne veut pas changer les habitudes prises, et à ce que l’on craint d’être obligé de rétribuer plus largement des fonctionnaires, qu’on ne pourrait plus aussi aisément récompenser avec des titres. Peut-être aussi se dit-on qu’une telle réforme risquerait de ne profiter qu’au favoritisme et au népotisme.