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et nominales. Aux conseillers d’État ou conseillers privés, actuels ou non, qui n’assistent jamais à aucun conseil, correspondent les maîtres de cour qui n’ont rien à voir au cérémonial du palais. En aucun pays les moyens de classer les hommes, les moyens de marquer et pour ainsi dire de primer le mérite ne sont aussi nombreux, aussi variés et aussi infructueux. Si les fruits n’en sont pas plus abondants, cela ne tient qu’à la stérilité naturelle de ce régime d’encouragement officiel.

Dans une pareille classification, l’instruction et la science, qui ont toujours été l’un des soucis du gouvernement impérial, ne pouvaient pas ne pas avoir leur place. Les grades universitaires confèrent un tchine, l’examen de sortie du gymnase ou collège donne droit à la dernière classe de la hiérarchie bureaucratique. En entrant à l’université l’étudiant a déjà ainsi le pied sur l’échelle, et chaque diplôme lui en fait monter un échelon. Comme le travail ouvre, avec le tableau des rangs, l’accès des places et de la noblesse, on pourrait dire que le rang dépendant du grade, et le grade de l’instruction, toute la hiérarchie russe n’est que la hiérarchie du travail et de l’étude, et la noblesse, qui en sort, la noblesse de l’instruction et de la culture. Tel est le raisonnement des apologistes des quatorze classes ; c’est par là en efîet que le tchine se justifie, ou mieux se justifiait dans le passé. Une pareille méthode de classement, bonne dans une école de jeunes gens ou dans une carrière déterminée, n’en garde pas moins les inconvénients de toute hiérarchie artificielle, appliquée à une société entière. De semblables tentatives de distribution des hommes et des mérites en des cases numérotées ont presque toujours manqué leur but ; là où, par exception, elles ont semblé réussir, ce n’a été qu’en enserrant la société entre d’incommodes cloisons.

À la hiérarchie du tchine russe on peut citer des pendants, en Asie, dans la Chine et la Turquie, par exemple ; on peut même, dans l’Europe moderne, trouver quelques institu-