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derniers pour la plupart gens de finance, tel est à peu près le chiffre des titres créés par diplôme impérial. Tous sont naturellement de date plus ou moins récente, peu remontent à un siècle. De même que les dorures trop neuves, la plupart gardent le poli luisant de la nouveauté ; comme ils manquent de l’éclat sombre et mat de l’antiquité, les familles qui en sont décorées n’en peuvent toujours tirer grand prestige. L’origine de leur fortune est trop connue, et en Russie, comme dans les autres cours de l’Europe, la faveur ou l’intrigue ont trop souvent usurpé ces récompenses honorifiques. Puis, à côté même des familles titrées, il en subsiste de plus anciennes dont le nom est assez illustre pour n’avoir pas besoin d’être ainsi relevé. Les Narychkine, par exemple, sont demeurés sans titre et semblent tenir à honneur de n’en point porter.

Une chose frappe dans la haute noblesse russe, dans la znat pétersbourgeoise en particulier, c’est le grand nombre des familles d’origine étrangère. Une moitié peut-être de cette aristocratie de cour provient du dehors ; elle est de sang tatare, géorgien, grec, valaque, lithuanien, polonais, suédois, allemand, parfois même de sang anglais ou français. Toutes les tribus soumises au sceptre des tsars, tous les peuples voisins de l’empire ont apporté leur contingent au dvorianstvo. Par ses origines comme par ses mœurs, par sa composition comme par son éducation, la classe la plus élevée est ainsi la moins nationale ; de là, pour elle, une autre cause de faiblesse, une autre raison de son peu d’ascendant.

Entre toutes ces familles, étrangères de provenance ou décorées de titres dont le temps n’a pas rehaussé l’éclat, les vieux kniazes, les princes qui descendent en ligne directe des souverains russes, paraissent devoir occuper une place à part. Il semble que dans l’État, fondé et si longtemps régi par leurs ancêtres, ces héritiers de la dynastie de Rurik offrent un élément aristocratique indigène, auquel une illustration séculaire assure un rôle considérable.