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de telles maisons existent en Russie comme dans la plupart des pays qui ont derrière eux une longue histoire. La langue russe a même pour les désigner un mot qui lui est particulier, le mot de znat, La znat (du verbe znat, connaître) c’est, sans distinction de titre ou d’antiquité de race, les familles connues ou illustres ayant gardé jusqu’à nos jours un haut rang dans l’État ou la société. Dans cette haute noblesse, ou plus justement dans cette couche sociale supérieure, s’il y a des familles titrées d’origine ancienne ou récente, il y a aussi des familles sans titres, dont la noblesse et l’illustration remontent aux temps des vieux tsars. Cette noblesse de titre ou de nom sera probablement la seule à survivre à l’effacement progressif du dvorianstvo ; le reste n’a, ni dans la forme du nom, ni dans les souvenirs du pays, rien qui le puisse longtemps distinguer de la masse de la nation[1]. Le commun des nobles demeure privé de tout signe extérieur, sans rien qui dénonce aux yeux sa qualité, sans autre titre qu’une inscription dans les registres de la noblesse de sa province.

Il y a aujourd’hui en Russie plusieurs sortes de titres et comme une hiérarchie nobiliaire ; mais ce n’est là qu’une importation de l’Occident, un récent emprunt à l’étranger. Chez les Moscovites comme chez les autres Slaves, toutes ces dénominations de duc, comte, baron, étaient incon-

  1. Beaucoup de Russes font à l’étranger précéder leur nom du de français ou du von allemand ; il n’y a rien d’équivalent dans leur langue nationale. Les noms russes affectent souvent, il est vrai, la forme d’un génitif pluriel ou plutôt d’un adjectif nominal (Davydof de David, Sémenof de Semen, Simon) ; mais, loin d’être particuliers à la noblesse, de tels noms se rencontrent également chez les prêtres, les marchands, les anciens serfs. S’il existe de ce côté une sorte de distinction nobiliaire, ce n’est point dans les noms de famille, c’est dans la terminaison vitch, que les Russes ont l’habitude d’ajouter au prénom de leur père quand ils en font suivre le leur, comme par exemple Alexandre Pétrovitch. Dans l’ancienne Moscovie, cette désinence aujourd’hui bannie n’appartenais qu’aux hommes d’un certain rang. Une seule famille de marchands, qui formait à elle seule une sorte de classe privilégiée, la famille Strogonof, y avait droit. Encore aujourd’hui, pour les gens du peuple, on emploie en ce sens la terminaison of au lieu de vitch : ainsi Ivan Pétrof ; Alexis Ivanof. De là sans doute l’origine de tant de noms en of.