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dans la région de Moscou, comme dans la région de l’Oural.


Autrement féconde en promesses d’avenir est la zone déboisée, la plus originale, la moins européenne des deux. Moins vaste que la zone forestière, elle est sans cesse agrandie par d’imprudents déboisements qui, en privant la terre d’abri et d’humidité, empirent le climat. Occupant tout le Sud de la Russie, elle va en s’élargissant de l’Ouest à l’Est, à partir des anciennes provinces polonaises, se relevant fortement vers le Nord sur les méridiens du Volga et de l’Oural, pour se prolonger, au delà, dans les solitudes de l’Asie. Cette zone est plus plate encore que celle des forêts ; sur une surface plusieurs fois grande comme la France, elle n’offre pas une colline de 100 mètres de haut. À l’Ouest, les Karpathes projettent un chaînon de roches granitiques qui infléchit le cours des fleuves, et, comme le Dniepr, les embarrasse de cataractes, sans presque accidenter le pays. Tantôt la terre s’étend en plaines ondulées ; tantôt elle présente l’horizontalité parfaite de la mer au repos. Parfois elle s’abaisse lentement vers la mer Noire ou la Caspienne ; parfois elle s’affaisse brusquement, formant, comme des plateaux superposés de différents niveaux, des étages de hauteur inégale, mais également plats. Rien ne limite ces surfaces à perte de vue que l’horizon qui se confond avec elles. Aucune proéminence, si ce n’est dans certaines contrées, de petites buttes artificielles appelées kourganes, innombrables tertres arrondis, de 6 à 12 ou 15 mètres de haut, qui parfois semblent disposés sur une ligne régulière, comme pour marquer un chemin à travers ces solitudes, — tombes de peuples éteints ou phares de routes perdues, du sommet desquels le berger des steppes surveille au loin son troupeau[1].

  1. Les kourganes ou moghili se rencontrent aussi dans le Nord, et en Sibérie comme en Russie. De nombreuses fouilles, opérées dans ces dernières années, ne laissent aucun doute sur la destination funéraire de ces tumuli.