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région est riche en eaux et en sources ; c’est le point de départ de tous les grands fleuves de la Russie, des principaux tributaires de ses quatre mers. Le peu de relief du sol y prive souvent les cours d’eau d’une ligne de partage nettement indiquée. Aucune crête ne sépare les bassins, et, à la fonte des neiges, les affluents des diverses mers se confondent parfois en énormes marais. Sur un sol à peine incliné, les fleuves ont un cours lent, indécis ; les eaux, incertaines de la pente, se perdent en marécages sans fin, ou se rassemblent en lacs sans nombre, les uns immenses nappes comme le Ladoga, vraie petite mer intérieure, les autres chétifs étangs comme les onze cents lacs du gouvernement d’Arkhangel.

Dans toute cette zone, l’hiver, qui remplit une moitié de l’année, laisse peu de temps à la végétation et à la culture. Le sol reste souvent plus de deux cents jours sous la neige ; les rivières ne dégèlent qu’en mai ou à la fin d’avril. Sans l’impétueux printemps du Nord, qui fait pour ainsi dire éclater la végétation en une explosion soudaine, tout travail de la terre serait inutile. L’orge, puis le seigle, sont les seules céréales de ces ingrates contrées. La culture du froment est rare et peu productive ; le lin est l’unique plante qui prospère sous ce ciel rigoureux. Ici, la terre ne pourvoit point à la nourriture de ses habitants. La population a beau être disséminée sur de vastes espaces, elle a beau ne guère dépasser dix habitants par kilomètre carré et tomber souvent fort au-dessous de ce faible chiffre, elle n’obtient point du sol qu’elle cultive un pain suffisant. Elle est obligée de demander à de petites industries la vie que lui refuse l’agriculture. Si peu dense qu’elle soit, la population de ces pauvres contrées ne croît que d’une manière insensible ; elle est pour ainsi dire arrivée au point de saturation. De toute cette moitié septentrionale de son territoire européen, la Russie ne peut espérer quelque augmentation du nombre de ses habitants, quelque accroissement de sa richesse, que grâce à l’industrie, comme