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des villes a eu beau croître rapidement depuis une vingtaine d’années, les paysans, les ruraux restent toujours en immense majorité vis-à-vis des citadins de toute sorte. C’est là un fait considérable, un fait d’une importance capitale pour l’état social, l’état économique, l’état politique de la Russie.

L’importance de cette disproportion entre les deux principaux éléments de la population apparaît encore mieux, si l’on se rend compte de ce qui porte le titre de ville dans les statistiques russes. Ce n’est pas uniquement par leur rareté, leur dispersion sur un vaste territoire ou la faiblesse relative de leur population, que les villes de Russie différent des villes de l’Europe occidentale. Avec leurs maisons de bois, basses et espacées, avec leurs rues d’une largeur démesurée qu’explique seule la crainte des incendies, rues d’ordinaire non pavées où, comme sur les routes de la campagne, régnent tour à tour et parfois côte à côte la neige, la boue et la poussière, la plupart de ces cités russes manquent, dans leur aspect comme dans leurs habitants, de ce qui pour nous constitue la ville et le caractère urbain. Au lieu de serrer leurs habitations les unes contre les autres comme nos anciennes villes de France, d’Italie ou d’Allemagne, au lieu d’entasser les étages vers le ciel, et de former un petit monde entièrement distinct des campagnes, uniquement rempli de l’homme et des œuvres de l’homme, les villes russes s’étalent et se répandent dans les champs jusqu’à se confondre avec eux, laissant entre les maisons et les édifices publics de vastes

    à toute la population y compris la noblesse et le clergé, offrent naturellement, pour les villes comme pour les campagnes, un chiffre plus élevé. Le dernier recensement général, celui de 1867, donnait ainsi pour la population rurale plus de 57 millions d’âmes, et pour la population urbaine 6 540 000. La comparaison des tables des deux modes de dénombrement montre que, dans le second cas, la majoration de la population des villes est en grande partie produite par le séjour des paysans qui y sont en résidence temporaire, et qui presque partout forment un des éléments importants de la population urbaine.