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CHAPITRE II


Disproportion entre la population urbaine et la population rurale. — Petit nombre relatif des villes en Russie et dans la plupart des pays slaves. — Explication de ce phénomène. — Raisons qui mettent obstacle à l’agglomération de la population. — Les villes et leurs habitants avant Pierre le Grand. — Efforts de Pierre et de Catherine pour créer une bourgeoisie.


La première chose qui frappe dans la répartition des classes de la population russe, c’est la proportion ou mieux la disproportion de leur force numérique, et en particulier la disproportion du nombre des habitants des villes et des habitants des campagnes. Cette dernière rubrique comprend à elle seule l’immense majorité des sujets russes. Dans la Russie d’Europe, sans le royaume de Pologne, la Finlande et le Caucase, le dernier recensement général (1867) donnait pour la classe rurale (selskiie obytately), en y comprenant les Cosaques, le chiffre d’environ 55 millions d’habitants ; pour les classes proprement urbaines, marchands, bourgeois, artisans des villes, les mêmes documents offraient un chiffre inférieur à 6 millions. Ces évaluations laissaient en dehors la noblesse et le clergé, la première comptant dans ses deux subdivisions de 800 000 à 900 000 âmes, le second environ 600 000, — le clergé habitant en majorité les campagnes, tandis que la noblesse se partage entre la campagne et les villes[1]. La population

  1. Les statistiques russes, et en particulier le Statistitcheskii Vrémennik, donnent à cet égard un double dénombrement en des tableaux séparés. La population s’y trouve à la fois répartie par classe, selon la qualité personnelle des habitants, et par localités, par villes ou districts ruraux, selon le domicile ou la résidence réelle des mêmes personnes. Ces derniers tableaux, s’appliquant