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LIVRE V
LA HIÉRARCHIE SOCIALE : LES VILLES ET LES CLASSES URBAINES.




CHAPITRE I


Des distinctions de classes en Russie : en quoi elles sont extérieures et superficielles, en quoi elles sont profondes et persistantes. — Coup porté à l’ancienne hiérarchie sociale par l’émancipation. — Toutes les réformes postérieures tendent à rabaissement des barrières de classes. — Comment à cet égard l’œuvre d’Alexandre II ressemble à l’œuvre de la révolution française ; comment elle en diffère. — Caractère et origine de toutes ces distinctions sociales. — Classes privilégiées et non privilégiées. — Défaut de solidarité des premières entre elles ; défaut d’homogénéité de chacune d’elles. — Classes accessoires.


Le fait le plus saillant que présente à l’observateur français la constitution sociale de la Russie, c’est la répartition de la population en groupes distincts, en classes nettement déterminées, pendant longtemps on aurait presque pu dire en castes. L’histoire et la loi ont divisé le peuple russe en compartiments divers, superposés les uns aux autres comme des étages qui, de la base au sommet, iraient en se rétrécissant brusquement. La société russe offre ainsi à distance l’aspect d’une pyramide à degrés, comme la pyramide de Saqqarah aux bords du Nil ou la tour pseudotatare à quatre étages de Kazan, chaque degré se partageant encore en gradins secondaires. À ne regarder que l’extérieur, cette société, savamment distribuée en cadres réguliers, paraît faite pour les hommes qui, dans la classification des différentes couches sociales, voient la première