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moins d’espace, point de ces lianes, point de ces belles parasites de toutes formes et de toutes couleurs qui rendent inextricables les forêts tropicales. La faune, comme la flore, est pauvre pour un si vaste pays ; peu d’insectes, point de serpents, point d’animaux féroces, seulement quelques loups dans les bois, quelques ours dans les solitudes du Nord. En dehors des grands déserts, on ne rencontre peut-être pas sur le globe une aussi large surface où la vie présente aussi peu de diversité et aussi peu de puissance. La nature inanimée, la terre seule est grande ; la nature vivante est débile, peu féconde en espèces, peu robuste dans ses enfants, hors d’état de lutter avec l’homme. À ce point de vue capital, la Russie est aussi européenne qu’aucune partie de l’Europe. La terre y est docile, facile à asservir. À l’inverse des plus magnifiques contrées des deux hémisphères, elle est faite pour le travail libre. Le sol russe n’exige point le labeur de l’esclave, il n’a pas besoin du nègre de l’Afrique ou du couli chinois. Le sol russe n’use point celui qui le cultive, il ne menace point sa race de dégénérescence, il ne donne point de créoles. L’homme n’y rencontre que deux obstacles, le froid et l’espace, — le froid, plus facile à vaincre que l’extrême chaleur, et moins redoutable à notre race et à notre civilisation ; — l’espace, dans le présent, l’ennemi, déjà à demi dompté, de la Russie, et son grand allié pour l’avenir.