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qu’une ville, la résidence du souverain, et cette capitale n’était elle-même qu’un immense village. La Moscovie était un État de paysans, un empire rural : or sans villes, ni richesse, ni art, ni science, ni vie politique ;. selon l’étymologie, sans cité pas de civilisation.

Comme les pays de l’Occident, la Russie avait eu la centralisation monarchique : elle n’avait eu aucun des instruments ou des institutions des monarchies européennes, parlements ou universités, hommes de robe ou de plume. Elle avait des souverains : elle n’eut jamaisde cour. Enfermées dans le terem, gynécée tatar ou byzantin, les tsarines et les tsarevnas laissaient les tsars à la grossièreté de leur sexe. La Moscovie n’eut ni châteaux ni palais ; le Kremlin n’éiait qu’une forteresse et un couvent, où de vulgaires plaisirs de soldats alternaient avec une fastidieuse solennité ecclésiastique[1].

L’Église russe avait un clergé national, patriote et respecté ; elle avait ses monastères, elle eut ses synodes ou conciles nationaux ; elle n’eut ni les ordres religieux, ni la scolastique, ni les grandes hérésies, ni les grands conciles de l’Église latine. La Russie eut des sectes ignorantes, rustiques, sans discussion des textes originaux, sans connaissance des langues anciennes ; elle resta en dehors de la Reforme, des luttes savantes et lettrées qui, par la liberté de penscr, conduisirent à la liberté politique. Étrangère à la Réforme, elle le fut également à la Renaissance. L’antiquité, qui l’avait jadis à peine effleurée, ne fut pas chez elle, comme en Allemagne, naturalisée par une seconde éducation.

Liée à Byzance par la religion et le voisinage, la Russie reçut peut-être un plus grand nombre d’émigrants grecs que l’Italie et l’Occident. Après la chute de Constantinople et le mariage d’Ivan III avec l’héritière des derniers empe-

  1. Voyez les ouvrages de M. Zabieline sur la Vie privée des tsarines et la Vie privée des tsars russes.