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défaite des nomades, par la colonisation et l’agriculture, l’incorpore à l’Europe.

En même temps, les Russes se retournent brusquement vers l’Occident, vers la Baltique et le Dniepr, vers leur point de départ européen. L’invasion mongole avait séparé la Grande-Russie moscovite du berceau de l’empire de Rurik, de la Russie-Blanche et de la Petite-Russie, tombées aux mains des Lithuaniens et des Polonais. Au nord, les Suédois et les chevaliers teutoniques, après les Porte-glaives, détenaient les rives de la Baltique. La Moscovie était ainsi comprimée entre deux rangées d’États ennemis, qui semblaient devoir l’étouffer : à l’est les Tatars, à l’ouest les Lithuaniens et l’ordre teutonique. Une fois délivrée des Tatars, il restait, entre la Russie et l’Occident, une épaisse barrière chrétienne, une muraille hostile, construite de ses propres débris. Elle avait à percer jusqu’à l’Europe et à la mer : de là sa lutte avec la Suède, héritière des chevaliers allemands de la Baltique, avec la Pologne, héritière de la Lithuanie, lutte qui, après avoir été sur le point d’anéantir la Moscovie, finit par coûter l’existence à la Pologne.

La mort des fils d’Ivan le Terrible ouvrit une crise où la Russie faillit tomber en pièces ; à peine achevée, l’œuvre laborieuse des princes moscovites sembla près de périr avec leur famille. Dans ce pays, où elle était tout, la souveraineté manqua. L’état de la Russie rappelait l’état de la France à la mort de Charles VI, lorsqu’à Paris régnait un roi anglais. La maison tsarienne éteinte, le Kremlin était disputé entre une suite d’usurpateurs et d’imposteurs soutenus par l’étranger ; un moment, les Polonais campaient dans Moscou, et Ladislas, fils du roi de Pologne, était proclamé tsar. La nationalité russe et l’orthodoxie grecque, également en péril, se sauvèrent par leur union. C’est du fond de ce peuple, inerte en apparence, que partit le mouvement qui mit fin à l’anarchie intérieure et à la domination étrangère. Un boucher de Nijni, Minine provoqua le soulève-