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byzantines étaient alors corrigées par les relations de Kief avec les autres États de l’Europe. L’isolement où la géographie, la religion, et plus tard le joug mongol, condamnèrent la Russie, était alors moindre qu’il ne le fut depuis. Le schisme, encore indécis des deux Églises, ne les avait point amenées à l’hostilité où les conduisirent les croisades ; il ne mettait pas encore obstacle au mariage entre les fidèles des deux rites. La Russie du onzième siècle faisait partie du système politique de l’Europe. Par ses enfants, Iaroslaf, le fils et le continuateur de Vladimir, était allié au roi de France Henri Ier, en même temps qu’aux empereurs d’Orient, aux souverains de Pologne, de Norvège, de Hongrie, à des princes d’Allemagne et au Saxon Harold, le rival de Guillaume le Conquérant. La Russie de Kief était plus européenne que ne le fut jamais la Russie avant le dix-huitième siècle. Ses relations avec Constantinople, demeuré le dernier asile des sciences et des arts de l’antiquité, lui donnaient sur l’Occident un facile avantage. Kief, embelli par les architectes et les artistes grecs, était comme une copie réduite de Byzance, comme une Ravenne du nord. Les superbes mosaïques de sa cathédrale de Sainte-Sophie, les magnifiques insignes conservés au trésor de Moscou nous attestent encore les richesses de cette capitale, qui faisait l’admiration des annalistes allemands, grecs et arabes. L’État russe était déjà le plus vaste de l’Europe, c’était un des plus commerçants et non un des moins cultivés. Au onzième ou douzième siècle, il pouvait sembler plus favorisé que l’Allemagne du nord, encore en grande partie slave ou lithuanienne, païenne et barbare. Il y avait là un empire assis sur des fondations européennes avec des éléments déjà marqués d’originalité, un pays qui dans la chrétienté semblait appelé à une vocation particulière, appelé à servir de lien entre l’Orient grec et l’Occident latin. L’histoire lui refusa un développement normal. Au seuil de la jeunesse, sa croissance fut interrompue par une des plus grandes perturbations des annales humaines. L’invasion mongole