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CHAPITRE II


La première Russie et l’Europe. Traits de parenté et de ressemblance, traits dissemblables. — Les Varègues. — Le christianisme et l’éducation byzantine. — Les apanages et le déplacement du centre national. — La grande déviation de l’histoire russe.


La civilisation européenne s’est fondée sur une triple base, l’élément chrétien, l’élément gréco-romain ou classique, l’élément germain ou barbare[1]. Tous les États de l’Occident ont, pour ainsi dire, été construits avec des matériaux identiques, dans le même style, sur un plan plus ou moins analogue. Les trois grandes assises sur lesquelles repose la culture occidentale se retrouvent elles dans les fondations de la Russie ? En creusant assez avant, on les y découvre ; mais elles n’y ont ni les mêmes proportions ni la même importance.

L’antiquité ne connut de la Russie que les bords du Pont-Euxin. Les Grecs n’y jetèrent d’établissements que sur les côtes ; les Romains y eurent à peine une domination nominale. Chez les premiers, ces vastes plaines passaient pour vouées à la nuit éternelle des Cimmériens ; pour les derniers, les régions au nord du Danube et de la mer Noire étaient une sorte de Sibérie où ils envoyaient les criminels d’État. La Russie était une terre trop compacte, trop continentale, pour la civilisation antique, qui, cheminant le long des rivages, ne sut occuper que les contrées

  1. Je dois faire remarquer que les pages qui suivent ont, pour la plupart, été écrites avant la publication de l’excellente Histoire de la Russie, de M. Alf. Rambaud. Voyez la Revue des Deux Mondes, du 15 janvier 1874.