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L’esprit révolutionnaire ne pouvait manquer de mettre à profit ces prétentions et ces aspirations d’un sexe, toujours plus que l’autre disposé aux entraînements et aux engouements. Parmi ces femmes avides de savoir et de liberté, parmi ces jeunes filles esprits forts, quelquefois trop peu soucieuses des bienséances de leur sexe, associant une sorte d’idéalisme instinctif à un réalisme voulu et remplaçant par des rêveries humanitaires la religion de leur enfance, les grossières séductions du radicalisme nihiliste ont fait d’autant plus de victimes que beaucoup de ces coursistes ou étudiantes n’ont pu trouver moyen d’utiliser pratiquement leurs études et de vivre de leurs connaissances. Le mal a souvent été empiré par les remèdes inopportunément suggérés aux défiances du pouvoir qui, loin d’élargir le champ de l’activité féminine, lui a, dans quelques cas, à demi fermé les carrières dont il lui avait naguère ouvert l’accès[1].

Dans les grandes villes s’est ainsi formé, si l’on peut appliquer ce mot à des jeunes filles, une sorte de prolétariat féminin, instruit, enthousiaste, plus laborieux et d’ordinaire non moins révolutionnaire que la jeunesse masculine des écoles. L’Occident, la Suisse surtout à Zurich, a vu naguère de nombreux spécimens de ces jeunes étudiantes qui s’ingéniaient à effacer en elles toutes les qualités naturelles à leur sexe pour mieux établir leurs droits aux occupations de l’autre, de ces jeunes filles unsexed, comme dit Shakspeare, — qui, pour mieux s’élever au niveau de l’homme, travaillaient à n’être plus femmes.

    légales ou aux mœurs, la carrière médicale est à peu près la seule ouverte aux femmes juives. (Voy. le Rasvêt, organe Israélite (11 sep. 1880). Depuis 1887, on a systématiquement écarté les Juifs du haut enseignement. Cf. t. III, I. IV, ch. iii.

  1. C’est ce qui est arrivé pour la médecine, par exemple, sous Alexandre III comme sous Alexandre II. Le gouvernement, redoutant la propagande des femmes médecins dans les campagnes, s’est plus d’une fois opposé à ce que les assemblées provinciales en subventionnassent un grand nombre ; d’autres fois en 1882 notamment, il a supprimé les cours de médecine spéciaux pour les femmes, sauf à en laisser rouvrir d’autres au moyen de souscriptions privées.