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La nécessité de demeurer très couvert est elle-même pour le peuple un obstacle à la propreté, aussi bien qu’à l’hygiène. Le paysan dort habillé et passe la nuit et le jour dans le même touloup de mouton. Il est vrai qu’il prend un bain de vapeur chaque semaine, le samedi, avant la fête dominicale, comme une sorte de purification ; malheureusement il est obligé de remettre ses vêtements remplis de vermine. En hiver, il ne se déshabille guère que ce jour-là, le seul aussi où il change de linge, quand il en porte ; souvent, n’en ayant pas d’autre, il lave lui-même sa chemise après le bain, avant de l’endosser de nouveau. Chaque village a ses étuves, de misérables baraques de bois, où l’on obtient la vapeur en versant de l’eau sur un grossier fourneau de pierres ; quelques planches inclinées servent de couches aux baigneurs, des poignées d’écorces ou des verges de tilleul tiennent lieu d’éponges et de gants de crin. Qu’il vienne des Grecs, des anciens Slaves ou des Finnois[1], cet usage sert peut-être plus à la santé qu’à la propreté. Ce bain de vapeur, souvent suivi d’un bain de neige ou d’eau glacée, est un stimulant énergique sous un climat débilitant ; c’est le seul, après l’alcool, que se puisse donner le mougik ; il remplace pour lui les eaux minérales auxquelles, pour les mêmes raisons, les Russes des hautes classes recourent si volontiers.

L’opinion, qui attribue plus de moralité aux pays du Nord, n’est pas toujours plus fondée que celle qui leur reconnaît une plus grande propreté ; l’une et l’autre dépendent moins du degré de latitude que du degré de civilisation. En Russie, le climat est peu favorable, sinon à la moralité, du moins à la délicatesse des mœurs. Le grand nombre et la précocité des mariages diminuent le chiffre

    campagne d’Arménie, a eu la grande utilité d’attirer sur la mauvaise hygiène populaire l’attention du gouvernement et des administrations locales.

  1. Encore usités chez les Finnois de Finlande, les bains de vapeur semblent remonter chez eux à une haute antiquité. Il en est souvent question dans le Kalevala. Voy. par ex. le IVe runo et le L* (traduct. de M. Léouzon Le Duc).