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donner ; il souffre de la difficulté de prendre l’air, de la difficulté de l’allaitement artificiel ; il souffre même des distances qui, dans la saison des travaux des champs, forcent sa mère à l’abandonner pendant de longues heures. Les enfants délicats sont condamnés à une mort précoce ; les plus forts survivent seuls pour être soumis, chaque année, à une épreuve qui, chaque année, est fatale à beaucoup. Il y a, par la main de la mort, un triage successif qui, à force d’éliminer les faibles, ne laisse debout pour la vie et la reproduction que les plus robustes.

Il semble que, dans une population soumise à cette sorte de sélection continue, la vigueur du tempérament doive être commune ; par malheur il est loin d’en être toujours ainsi. Dans ce pays de hautes tailles et de fréquente longévité, où l’on voit des hommes de près de six pieds vivre plus de cent ans, la force est souvent plus apparente que réelle. Ce climat, qui en peu d’années corrode le granit, est à la longue souverainement déprimant, débilitant. Le tempérament lymphatique est le plus général en Russie. Les scrofules sont fréquentes, les maladies contagieuses communes, faciles à gagner, malaisées à guérir. Ce qui est le plus à redouter, ce ne sont pas les grands froids, ce n’est même pas le contraste des rigueurs de l’hiver et des ardeurs de l’été : ce sont les saisons intermédiaires, le printemps et l’automne, avec leurs longues alternatives de gelées et de dégel qui durent souvent des mois, avec leurs brusques variations de température qui, en une journée, peuvent atteindre 20 degrés. Dans ces oppositions et cette instabilité du climat, toutes les maladies, toutes les épidémies trouvent des conditions favorables, encore accrues par l’insuffisance de l’alimentation. Grâce à une plus grande sécheresse de l’air, dans le centré et dans l’est au moins, les maladies de poitrine sont moins fréquentes qu’en Angleterre. En revanche, la petite vérole, les fièvres typhoïdes, les fièvres puerpérales, la diphthérie et bien d’autres maladies font chez cette