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donnent l’habitude d’allures précipitées. Les exercices ou les jeux violents, l’athlétique ou le sport, sous toutes leurs formes, semblent n’avoir pas plus d’attrait pour ces fils du nord que pour les peuples modernes du midi. Le patinage même est moins en faveur qu’en des pays où il est moins facile. À cet égard comme à bien d’autres, on pourrait dire que le Russe est aux antipodes de l’Anglais. On a souvent été frappé du peu de penchant des paysans russes pour l’exercice et l’activité physique ; pendant leurs nombreuses fêtes, leur principal plaisir semble être le repos et l’immobilité. Leur jeu corporel favori est la balançoire, qu’ils ne lancent pas hardiment dans les airs comme nos enfants, mais dans laquelle ils se contentent de se bercer mollement. Leurs danses les plus usuelles, telles que le khorovod, sorte de ronde chantée qui paraît provenir d’anciens rites païens, sont lentes et d’une nonchalance monotone. Le climat et la race sont probablement pour quelque chose dans cette espèce de paresse ou d’indolence des membres et de l’esprit ; le régime du peuple y est pour beaucoup aussi.

Le principal effet physiologique du froid est d’activer la respiration, de déterminer dans les poumons et dans le sang une combustion plus intense, et par suite d’exiger pour l’entretien de la chaleur vitale des aliments plus substantiels. Plus on approche du pôle, plus il faut à l’homme une nourriture riche en carbone et en azote, une nourriture animale. Or, dans les pays de l’extrême nord, par l’effet même du froid, la fertilité du sol est rarement en rapport avec les exigences du climat. Nulle part cela n’est plus sensible que dans la moitié septentrionale de la Russie, peu propre à la culture du blé, et soumise pour l’élevage du bétail à des obstacles inconnus des pays tempérés. Dans toute cette région, la terre accorde difficilement à l’homme la nourriture que réclame le ciel : un tel manque d’équilibre entre les ressources et les besoins a eu de fâcheuses conséquences pour le tempérament du peuple russe. La masse de