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Buckle, a remarqué que les peuples vivant sous les latitudes élevées n’avaient point pour le travail le même goût, la même énergie que les peuples habitant sous un ciel plus clément. Il attribue ce défaut à l’interruption forcée du travail pendant l’hiver, qui, par la rigueur du temps et par la brièveté des jours, brise chaque année durant des mois entiers la chaîne des occupations agricoles. — Pourquoi dors-tu, moujik[1] ? dit une chanson populaire où l’on reproche au paysan de sommeiller tout le jour sur son poêle, pendant que la misère vient s’asseoir à sa porte. S’il dort, c’est que sa moisson rentrée, les semailles d’automne achevées et la neige venue, il ne trouve plus d’ouvrage dans les champs. Cette intermittence du travail lui donne quelque chose de décousu et d’instable qui nuit à l’esprit de suite et aux habitudes de régularité. Le nord oppose à l’agriculture et à l’industrie des difficultés particulières en les mettant dans la dépendance d’un climat à la fois âpre et capricieux, et peut-être ces inconvénients s’étendent-ils jusqu’au caractère. Ici encore, n’aurait-on pas le droit de rendre la nature responsable de quelques-uns des penchants ou des défauts, fréquemment reprochés au tempérament slave ?

Les étrangers, qui ont fait travailler en Russie, ont généralement remarqué qu’ainsi que les hommes du midi, le Russe était plus capable d’un vigoureux effort que d’un travail long et soutenu. Avec plus de vivacité, héritage probable du sang slave, il montre souvent moins d’activité que les peuples du nord de race germanique ; il laisse même voir souvent, dans les classes inférieures comme dans les hautes classes, moins de goût pour le mouvement corporel. Il semble ne l’aimer que dans la course rapide des traîneaux ou des voitures, dont la vitesse étonne parfois l’étranger, mais qu’il faut peut-être attribuer à la grandeur des distances et au froid, qui tous deux pressent d’arriver et

  1. Chio iy spidi, moujitchek ?