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gique qui, à côté de lui, assoupit les animaux hibernants tels que l’ours ; il y échappe par son industrie et sa civilisation autant que par sa constitution, sans éviter entièrement ce ralentissement du sang et de la vie, si général dans la nature.

Montesquieu faisait des pays du nord la patrie de l’activité, du courage, de la liberté. Vrai peut-être pour les pays où le froid est modéré, cet axiome est fort contestable pour les autres. L’extrême froid dans le nord arrive à des effets analogues à ceux de l’extrême chaleur dans le midi, de même que, dans les contrées tropicales, au sommeil de l’hibernation correspond le sommeil de l’estivation pendant les saisons ou les heures les plus chaudes. Stimulant pour les poumons et pour l’activité, quand il reste dans certaines limites, le froid devient déprimant dès qu’il atteint un degré trop bas ou une trop longue durée. Il peut alors ; disposer à une certaine indolence physique et morale, à une sorte de passivité du corps et de l’âme. À l’excitation des première gelées peut succéder la torpeur des grands froids. L’hiver, comme l’été, le nord, comme le midi, a sa paresse ; le feu exerce dans l’un la même fascination que l’ombre dans l’autre, et invite de même au repos ou à la nonchalance. Le poids seul des vêtements alourdit, et leurs formes longues embarrassent. Aussi faut-il peut-être rejeter sur le climat l’indolence, la mollesse, l’apathie, parfois trop reprochées aux Russes et souvent attribuées au sang slave.

Le nord garde cependant un grand, un immense avantage. Si le froid conseille le repos, il y condamne rarement : l’action est un des remèdes contre lui. Au lieu de diminuer les besoins, le nord les accroît et par là incite au travail. Il s’en faut du reste qu’au centre de la Russie, à la latitude même de Pétersbourg ou de Moscou, le froid soit souvent insoutenable au dehors, et contraigne le Russe à demeurer, comme le Lapon ou l’Esquimau, enfoui dans sa cabane. Quand l’air est calme, — et par les grands