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non par des Petits-Russiens, mais par des Polonais, n’ont rien changé aux faits. Elles n’ont abouti qu’à maintenir entre la malheureuse Pologne et la Russie des prétentions inconciliables, qui ont amené la plus forte à méconnaître la nationalité de la plus faible, comme la Pologne avait jadis méconnu la nationalité de ses anciens sujets russes, il nous suffit ici de constater que ces termes de Ruthène, Roussniaque, Roussine, comme ceux de Russe et de Russien, employés indifféremment les uns pour les autres par les anciens écrivains et les anciens voyageurs, ne sont au fond que des formes d’un même nom, désignant même nationalité, au moins dans les limites de l’empire[1].

Séparée de la Grande-Russie lors de l’invasion des Tatars, la Petite-Russie est en vain restée cinq siècles sujette de la Pologne et de la Lithuanie. La surface polie, la noblesse de Kief, de la Volhynie, de la Polodie, s’est seule polonisée[2]. Grâce surtout au rite grec, le fond du peuple, l’immense majorité des habitants de Kief et de l’Ukraine s’est retrouvée aussi russe que le peuple de Novgorod ou de

  1. Aujourd’hui ces différents termes, particulièrement celui de Ruthène, d’ordinaire appliqué aux Uniates, ont pris un sens plus défini. On distingue du reste, chez les Petits-Russiens, trois types avec trois dialectes principaux, celui de la plaine de l’Ukraine, celui du Polésié ou région forestière de Kief, celui de Galicie et Podolie.
  2. Les statisticiens russes ont depuis longtemps fait remarquer que dans les provinces du sud-ouest, Podolie, Volhynie, Kief, regardées d’ordinaire comme polonaises par les Polonais, ces derniers sont en fait numériquement inférieurs aux juifs. La même observation peut s’appliquer à la Lithuanie et à la Russie-Blanche, c’est-à-dire à toutes les provinces annexées lors des trois partages. Selon M. Tchoubinski, qui à cet égard a publié des tableaux statistiques 1res détaillés, il n’y aurait pas 100 000 Polonais dans les gouvernements de Podolie, de Volhynie et de Kief réunis. En faisant la part de l’exagération des documents russes, le chiffre de la population réellement polonaise reste très faible. Dans ces trois gouvernements petits-russiens, le nombre des catholiques, parmi lesquels il y a certainement des Malo-Russes non polonisés, montait à peine à 400 000 âmes ; soit à moins d’un septième de la population totale (16,94 pour 100). Dans eus mêmes trois gouvernements, au contraire, le nombre des israélites s’élevait à plus de 750 000, soit presque le double du nombre des catholiques. Voyez les Travaux de l’expédition ethnographique statistique dans la Russie occidentale, section du Sud-Ouest ; Materiality i Isslédovaniia, par P. Tchoubinski, vol. VII, p. 272-290.