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celle dont le sang slave est le plus pur ; elle n’en est pas moins demeurée la plus pauvre et la moins avancée en civilisation.

Les Biélo-Russes comptent près de 4 millions d’âmes, les Petits-Russes de 17 à 18 millions, les Grands-Russes de 47 à 48 millions, soit, à eux seuls, la moitié environ de la population de l’empire en Europe.

Le Grand-Russien forme l’élément le plus vigoureux, le plus expansif de la nation russe ; c’est aussi le plus mêlé. Le sang finnois a laissé plus de traces dans ses traits, la domination tartare dans son caractère. Avant l’avènement des Romanof, il formait, à lui seul, tout l’empire des tsars de Moscou, bien que ces derniers aient pris le titre de souverains de toutes les Russies longtemps avant qu’Alexis, père de Pierre le Grand, eût, par l’annexion de l’Ukraine, commencé à justifier ce titre. De là, le Grand-Russien a, sous le nom de Moscovite, été considéré par certains étrangers comme le vrai, le seul Russe. Ce nom est impropre : car le Grand-Russe, produit de la colonisation de la Russie centrale par les Russes occidentaux avant l’invasion des Tatars, est antérieur à l’État et à la ville même de Moscou. Si de son sein est sortie l’autocratie moscovite, il est impossible de couper les liens qui lui rattachent la grande république slave de l’ouest, dont le nom est resté un symbole d’activité et de liberté, Novgorod.

Le moins slave de tous les peuples qui prétendent à ce nom, le Grand-Russien, a été le grand colonisateur de la race slave. Traité par ses ennemis de touranien, de mongol, d’asiatique, il a, comme les autres Russes, eu son point de départ en Occident, dans la Petite-Russie, dana la Russie-Blanche et à Novgorod. C’est de l’Europe qu’il a marché vers l’Asie ; c’est des rives de la Duna et du Dniepr qu’il est parti pour cette gigantesque odyssée qui devait, en cinq ou six siècles, le mener par delà l’Oural, par delà la Caspienne et le Caucase. Nous avons une image des destinées et de la route du Grand-Russe dans le fleuve dont il