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Russiens. Par leurs qualités comme par leurs défauts, ils représentent, en Russie, le contraste éternel du Nord et du Sud. L’histoire n’a pas moins fait pour les diversifier que la nature. Les premiers ont leur principal centre à Moscou, les seconds à Kief. Étendues l’une au nord-est, l’autre au sud-ouest, ces deux moitiés inégales de la nation russe ne correspondent pas exactement aux deux grandes zones physiques de la Russie. La faute en est partie à la nature elle-même, en partie à l’histoire, qui a entravé le développement de l’une et protégé celui de l’autre. Les steppes du sud, ouverts à toutes les invasions, ont longtemps arrêté l’expansion du Petit-Russien ou Malo-Russe, qui, pendant des siècles, est resté cantonné dans les bassins du Dniépr, du Boug et du Dniestr, tandis que le Grand-Russe, s’étendant librement dans le nord et l’est, s’établissait dans l’immense bassin du Volga, et, maître de presque toute la région des forêts, des grands lacs à l’Oural, redescendait dans la Terre noire et dans les steppes, le long du Volga et du Don.

Entre ces deux éléments principaux s’en trouve un troisième moins important auquel l’histoire, comme la nature, a fait un rôle plus ingrat : c’est le Biélo-Russe ou Blanc-Russien, habitant les gouvernements de Moghilef, Vitebsk, Grodno, Minsk, région qui possède quelques-unes des plus belles forêts de la Russie, mais dont le sol coupé de marécages est en général maigre et insalubre. Plus voisins des Grands-Russiens par leur dialecte, les Biélo-Russes ont été rapprochés davantage des Petits-Russiens par les vicissitudes de la politique ; les deux tribus sont souvent réunies sous le nom de Russes occidentaux. De bonne heure sujette de la Lithuanie, dont son dialecte était devenu la langue officielle, la Russie-Blanche fut, comme la plus grande partie de la Petite-Russie, réunie à la Pologne, et, pendant des siècles, elle demeura, entre la république polonaise et les tsars de Moscou, l’enjeu d’une lutte dont elle saigne encore. Des trois tribus russes, c’est sans doute