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tent stérilement chez nous, ils croient avoir le secret de la régénération sociale et politique de l’Europe et du monde chrétien. L’avenir en décidera. En attendant qu’ils élargissent et renouvellent notre civilisation, ils se l’approprient et l’étendent territorialement : après n’avoir eu longtemps d’autre rôle que d’en garder les frontières, ils les reportent en avant. De l’arrière-garde de l’Europe, ils sont devenus son avant-garde dans la conquête de l’Orient et de l’Asie.

Par le tempérament et le caractère, les Slaves présentent un ensemble de défauts et de qualités qui les place plus près des Latins et des Celtes que de leurs voisins, les Allemands. Au lieu du flegme germanique, ils montrent souvent, jusque sous le ciel du Nord, une vivacité, une chaleur, parfois une mobilité, une pétulance, une exubérance, qui ne se retrouvent point toujours au même degré chez les peuples du Midi. Chez les Slaves du sang le moins mêlé cette disposition a produit dans la vie politique un esprit remuant, inconstant, anarchique, un esprit d’incohérence, de division, de morcellement, qui a rendu difficile leur existence nationale, et qui, avec leur situation géographique, a été le grand obstacle au progrès de leur civilisation. La faculté qui distingue le plus généralement toute la race, indépendamment des divers croisements de ses différents peuples, c’est une flexibilité, une élasticité de tempérament et de caractère, des organes et de l’intelligence, qui la rend propre à recevoir et à reproduire toutes les idées et toutes les formes. On a souvent parlé du don d’imitation des Slaves : ce don s’applique à tout, aux mots comme aux pensées ; il s’étend à tous les âges, à tous les sexes. Cette malléabilité slavonne, du Polonais comme du Russe, n’est peut-être au fond qu’un des résultats de leur histoire et, par suite, de leur position géographique. Derniers venus à la civilisation et longtemps inférieurs aux races voisines, ils ont toujours été à l’école d’autrui. Au lieu de vivre d’invention, ils ont vécu d’emprunt, et l’esprit