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eux de grandes différences, ils sont le plus souvent travailleurs et économes, et se distinguent par la moralité domestique et l’union des familles. Pour toutes ces qualités, les Turcs de Russie ne sont nullement inférieurs aux Turcs de l’empire ottoman, dont les voyageurs sont unanimes à vanter les vertus privées. Pour quelques emplois, les Tatars sont souvent préférés aux Russes par les Russes mêmes. Plus propres, plus probes, plus sobres, ils sont recherchés pour plusieurs métiers, et se sont fait de certaines places, de celles même qui exigent le plus de confiance et d’honnêteté, une sorte de monopole. Les grandes familles russes, qui ont des villas sur la côte de Crimée, ne craignent pas d’admettre dans leur intérieur des domestiques tatars, et, dans les restaurants de Pétersbourg, les garçons à la mode sont des Tatars du gouvernement de Riazane, en sorte que le voyageur étranger ; qui leur commande son dîner en français, est servi à son insu par les descendants des cavaliers de Ginghiz et de Batou.

Les qualités des Tatars viennent en partie de leur religion, qui de la sobriété leur fait un devoir strict ; leurs défauts, les causes qui retardent leur progrès, en viennent presque également. La race ne semble inférieure qu’à un point de vue, le manque d’originalité. Les anciennes villes des Tatars ont péri ; pour retrouver des monuments de leur domination, il faut aller jusqu’au fond du Turkestan, à Samarkand, et là on ne rencontre que des édifices de goût et de style persans. En Russie, rien n’est plus rare que des constructions de l’époque des Khans. En Crimée, il ne reste d’eux, outre le tardif et médiocre palais de Bakhtchi-Saraï, que quelques mosquées, dont les plus belles sont peu remarquables. Kazan montre une bizarre pyramide de briques à quatre étages, en grande vénération parmi les Tatars, mais qui semble postérieure à la conquête chrétienne. C’est dans une ville détruite par les Tatars eux-mêmes lors de l’invasion de Tamerlan, à Bol-