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même signalement. Leur visage témoigne souvent du mélange des races ; dans de petites régions, sur un nombre d’hommes relativement faible, les types sont parfois fort différents. Dans la seule Crimée, où les émigrations successives les ont réduits à moins de cent mille, on trouve une grande diversité. Sur les steppes du Nord se rencontrait naguère encore le Nogaïs au nez aplati, aux yeux bridés, à la face presque mongole, kalmouke. Sur les montagnes de la côte Sud, le Tatar a le visage ovale, les sourcils arqués, le nez droit ou aquilin, le type tout caucasique, aryen, presque grec. Dans les deux cas, c’est là l’effet du mélange des races : le Nogaïs, aujourd’hui rejeté sur la Caspienne, est fortement croisé de Mongol ; le Tatar de la côte descend en grande partie des Grecs du littoral ou des Goths de l’intérieur, qui, devant les invasions tatares, se sont réfugiés dans les montagnes, et n’ont été convertis à l’Islam qu’un siècle ou deux avant de tomber sous le pouvoir de la Russie. On peut signaler des différences analogues chez les Turcs ottomans, selon les provinces, les villes et les classes, selon le degré de mélange avec les races conquises, en sorte qu’aujourd’hui le rameau tatar a encore moins d’homogénéité que le rameau finnois.

La Crimée, et ce qu’on appelait encore au dernier siècle la Petite-Tartarie, reste peut-être le pays où il est le plus aisé d’étudier les mœurs et le caractère des Tatars. Ils en étaient les maîtres et presque les seuls habitants, il n’y a guère que cent ans. Par suite d’émigrations répétées, ils y sont, aujourd’hui, deux et peut-être trois fois moins nombreux que les colons russes ou étrangers qui sont venus prendre leur place ; en certaines parties de la péninsule cependant, on sent qu’ils sont toujours chez eux. Sur les steppes du Centre et du Nord, rebelles à la culture, ils continuent leur existence nomade. Dans la région fertile, ils ont encore des villes dont ils forment la principale et presque l’unique population, comme Karasou-Bazar, comme Bakhtchi-Saraï, l’ancienne capitale des khans. Là, dans un