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l’ombre les prostituées. Seule, au-dessus de ces formes agitées, s’élevait l’immuable colonne ; la tête aux cornes de vache regardait dans l’ombre et au-dessus d’elle Paphnuce veillait, entre le ciel et la terre. Tout à coup la lune se lève sur le Nil, semblable à l’épaule nue d’une déesse. Les collines ruissellent de lumière et d’azur, et Paphnuce croit voir la chair de Thaïs étinceler dans les lueurs des eaux, parmi les saphirs de la nuit.

Les jours s’écoulaient et le saint demeurait sur son pilier. Quand vint la saison des pluies, l’eau du ciel, passant à travers les fentes de la toiture, inonda son corps ; ses membres engourdis devinrent incapables de mouvement. Brûlée par le soleil, rougie par la rosée, sa peau se fendait ; de larges ulcères dévoraient ses bras et ses jambes. Mais le désir de Thaïs le consumait intérieurement et il criait :

— Ce n’est pas assez, Dieu puissant ! Encore des tentations ! Encore des pensées immondes ! Encore de monstrueux désirs ! Seigneur, fais passer en moi toute la luxure des hommes, afin que je l’expie toute ! S’il est faux que la chienne de Sparte ait pris sur elle les péchés