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goûter dans le détachement des choses une félicité sans limites. Plusieurs font revivre en eux Épictète et Marc Aurèle. Mais, s’il était vrai que la vertu fût à jamais éteinte sur la terre, en quoi sa perte intéresserait-elle mon bonheur, puis-qu’il ne dépendait pas de moi qu’elle durât ou pérît ? Les fous seuls, Dorion, placent leur félicité hors de leur pouvoir. Je ne désire rien que ne veuillent les dieux et je désire tout ce qu’ils veulent. Par là, je me rends semblable à eux et je partage leur infaillible contentement. Si la vertu périt, je consens qu’elle périsse et ce consentement me remplit de joie comme le suprême effort de ma raison ou de mon courage. En toutes choses, ma sagesse copiera la sagesse divine, et la copie sera plus précieuse que le modèle ; elle aura coûté plus de soins et de plus grands travaux.

NICIAS

J’entends. Tu t’associes à la Providence céleste. Mais si la vertu consiste seulement dans l’effort, Eucrite, et dans cette tension par laquelle les disciples de Zénon prétendent se