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sentiments très vrais et très sincères. Rabelais avait beaucoup pratiqué les écrits d’Érasme ; il avait surtout lu et relu les Apophtegmes et les Adages ; et il lui arrivait souvent, quand il écrivait, de reproduire quelque endroit de ces deux ouvrages. Il le faisait d’autant plus volontiers qu’alors il était louable d’imiter et honorable de prouver d’abondantes lectures.

En même temps qu’il accomplissait les travaux d’érudition qui le mettaient en honneur parmi les lettrés, il donnait çà et là quelques heures à d’autres ouvrages méprisés des savants, mais qu’aujourd’hui nous trouvons très dignes d’intérêt. Il faisait des prédictions et des almanachs en langue vulgaire pour le commun des lecteurs, et il y mettait beaucoup plus du sien que dans ses publications savantes. Il y mettait à foison des joyeusetés et de grosses facéties, et aussi les maximes d’une haute sagesse. Ses prédictions n’étaient que moqueries et brocards à l’endroit des astrologues et des devins. Il y raillait les tireurs d’horoscopes et donnait de son incrédulité à leur endroit des raisons excellentes. « La plus grande folie du monde, disait-il, est de penser qu’il y ait des astres pour les rois, papes et gros seigneurs plutôt que pour les pauvres et souffreteux : comme si nouvelles étoiles avaient été créées depuis le temps du déluge ou de Romulus ou Pharamond à la nouvelle création des rois. »

En ces petits livres populaires, il exprime