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rable. Elle voit qu’il est fort, et elle admire la force. Sans cela, elle ne serait point une petite fille. Elle voit qu’il est bon, et elle aime la bonté. Aussi bien la bonté est-elle une chose douce à rencontrer.

Elle a pour lui un sentiment de respect. Elle observe qu’il connaît beaucoup de secrets qu’elle ignore et que l’obscur génie de la terre est en lui. Elle le voit énorme, grave et doux. Elle le vénère comme sous un autre ciel, dans les temps anciens, les hommes vénéraient des dieux agrestes et velus.

Mais voici que tout à coup, elle est surprise, inquiète, étonnée. Elle a vu son vieux génie de la terre, son dieu velu, Miraut, attaché par une longue laisse à un arbre, au bord du puits. Elle contemple, elle hésite, Miraut la regarde de son bel œil honnête et patient. Il n’est ni surpris ni fâché d’être à la chaîne ; il aime ses maîtres, et, ne sachant pas qu’il est un génie de la terre et un dieu couvert de poil, il garde sans colère sa chaîne et son collier. Cependant Jacqueline n’ose avancer. Elle ne peut comprendre que son divin et mystérieux ami soit captif, et une vague tristesse emplit sa petite âme.