Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/298

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sée, une physionomie bien distincte. Il ressemble, dans ce poème, aux magiciens des Mille et une Nuits et à tous les sorciers de nos contes populaires. Mais il était fameux parmi les vieux Hellènes comme Merlin l’Enchanteur chez les Bretons, et, dès que l’imagination des Grecs se délia au sortir de l’enfance, les poètes contèrent mille merveilles de l’antique devin. À les en croire, devenu femme pour avoir séparé de sa baguette deux serpents unis, il reprit ensuite sa première forme ; mais le souvenir de sa métamorphose lui donnait une expérience singulière sur des points délicats. Aveugle, il comprenait le langage des oiseaux et voyait les choses futures. Il vécut, plein de sagesse, sept âges d’hommes, malheureux infiniment de vivre et de savoir. Sa tristesse s’exhala un jour en une plainte sublime :

« Ô Zeus, père et roi, s’écria le vieux devin, pourquoi ne m’as-tu pas donné une vie plus courte et ma part de l’ignorance humaine ? Ce n’est pas par bienveillance que tu as prolongé ma vie jusqu’au terme de sept générations mortelles. »

Afin de le rendre plus tragique, les poètes nous montrent Tirésias gardant chez les morts