Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/297

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ce rivage plongé dans la nuit éternelle et il s’en est allé sous les hauts peupliers et les saules stériles de Perséphone, jusqu’à l’humide demeure de Hadès. Là, près du rocher où se rencontrent les deux fleuves funèbres, dans la prairie d’asphodèles, il a creusé avec son épée une fosse où il a versé ensuite des libations de miel et de vin aux ombres descendues sous la terre. Ce n’est pas une curiosité vaine qui l’a conduit dans ce monde muet où nul homme vivant n’est entré avant lui. Il va évoquer dans l’île ténébreuse des Cimmériens les ombres errantes des morts. Il y est venu sur le conseil de la magicienne Circé, pour demander à l’ombre du devin Tirésias par quel moyen il lui sera donné enfin de retourner dans Ithaque. Car le vieux chef, qui a vu les Cicones, les Lotophages, les Cyclopes, les Lestrygons, les Sirènes, et qui a partagé la couche des déesses et des magiciennes, est dévoré du désir de revoir enfin son île, sa femme et son fils.

Tirésias, qui errait parmi les morts, son bâton augural à la main, était un personnage extraordinaire ; et l’on comprend qu’Ulysse soit allé le consulter jusque dans l’île des Cimmériens. Tirésias n’a point, il est vrai, dans l’Odys-