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des chaises de paille défoncées. La poudre des marbres, qui pénétrait par les fentes de la porte et des châssis, recouvrait seule la nudité livide des murs et du carrelage.

Jacques Dubroquet était peintre d’histoire, et Jean Meusnier paysagiste. Ce paysagiste ressemblait à un arbre ; il en avait la rude écorce, la forte sève, la paix et le silence. Ses cheveux drus se dressaient sur son front rugueux, comme les rejetons d’un saule étêté.

Il parlait peu, sachant peu de mots. Mais il peignait beaucoup. Matinal, égayé d’un verre de vin blanc, il s’en allait par la banlieue faire des études d’après lesquelles il exécutait ensuite, dans l’atelier, des tableaux d’un sentiment brutal et d’un faire obstiné.

Paysan de race, prudent, défiant, rusé, le visage aussi muet que la langue, se souciant peu de son copain, il n’y avait pour lui au monde qu’Euphémie, la crémière du boulevard Montparnasse, une grosse femme tendre de cinquante ans, chez laquelle il prenait ses repas, et qu’il aimait d’un amour satisfait et narquois.

Jacques Dubroquet, peintre d’histoire, plus âgé que lui de quelques années, était d’un tout autre caractère.