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LES DIEUX ONT SOIF

Ils se croyaient seuls au monde. Dans son exaltation, Évariste leva les yeux vers le firmament étincelant de lumière et d’azur :

— Voyez : le ciel nous regarde ! Il est adorable et bienveillant comme vous, ma bien-aimée ; il a votre éclat, votre douceur, votre sourire.

Il se sentait uni à la nature entière, il l’associait à sa joie, à sa gloire. À ses yeux, pour célébrer ses fiançailles, les fleurs des marronniers s’allumaient comme des candélabres, les torches gigantesques des peupliers s’enflammaient.

Il se réjouissait de sa force et de sa grandeur. Elle, plus tendre et aussi plus fine, plus souple et plus ductile, se donnait l’avantage de la faiblesse et, aussitôt après l’avoir conquis, se soumettait à lui ; maintenant qu’elle l’avait mis sous sa domination, elle reconnaissait en lui le maître, le héros, le dieu, brûlait d’obéir, d’admirer et de s’offrir. Sous l’ombrage du bosquet, il lui donna un long baiser ardent sous lequel elle renversa la tête, et, dans les bras d’Évariste, elle sentit toute sa chair se fondre comme une cire.

Ils s’entretinrent longtemps encore d’eux-mêmes, oubliant l’univers. Évariste exprimait surtout des idées vagues et pures, qui jetaient